Passeurs de l’Aber-Benoît

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Copié à partir d’un blog disparu depuis,
écrit par une petite fille du dernier passeur sur l’Aber Benoît

François Marie SALIOU et sa femme Jeanne KERROS mes grands-parents
(les seules photos conservées par la famille)

Les passeurs de l’aber-Benoît

Nous sommes en Bretagne, dans le Finistère à la pointe ouest de ce monde où la qualité de vie est excellente.

Les paysages superbes lient à jamais la terre et la mer.

Nous voici dans un des 3 Abers.

La route est bien longue entre Saint-Pabu et Landéda car il est nécessaire d’aller jusqu’à Tréglonou pour trouver un pont alors que depuis le lieu dit « le passage » de Saint-Pabu il n’y a que l’aber-Benoît à traverser soit environ 250 mètres.

Mon grand-père paternel François Marie SALIOU, après un long parcours dans la marine marchande et donc une retraite bien méritée puis deux années de grande pêche en mer, est devenu un des derniers passeurs de l’aber benoit.

En effet le bateau du passeur de l’époque n’était plus aux normes. C’est pourquoi vers 1934 François Marie a eu la concession du passage sous condition de faire construire un bateau neuf, homologué, et très large de 6 mètres de long pouvant accueillir 15 passagers avec un seul rameur.

Pour les grandes fêtes, les foires et les pardons le nombre de passagers étant très important : plus de 100 par jour (sans compter les vélos), son bateau de pêche, démâté pour la circonstance, était donc utilisé en renfort mais il nécessitait deux rameurs. Ses fils et un oncle étaient donc les renforts bien utiles).

Les bateaux étaient adaptés en sécurité avec une bouée couronne et une filière de plat-bord en flotteurs. Aucun souvenir de chavirage n’est resté dans cet Aber. Les avirons étaient calibrés au gabarit du navire et un système de rouleaux avec appui avait été créé pour aider le rameur.

 

Une petite cabane de bois avait été construite au passage (à côté de la maison de la douane) pour que ma grand-mère, Jeanne KERROS, soit au sec pour attendre les clients et vendre les billets.

(Quelques souvenirs sur le prix du passage : chaque passager : 10 sous et chaque vélo : 20 sous car ils prenaient un équivalent de 2 places.)

Mais il n’y avait pas que les hommes à faire traverser en effet les chevaux, deux par deux, passaient à la nage à côté du bateau. Leur propriétaire les tenait à distance par une longue longe en les amenant sur la grève au départ et à l’arrivée ce qui nécessitait de faire une traversée plus longue et très en courbe.

Pour les vaches il était procédé de la même façon sans aucun problème mais pour les cochons la nage est impossible sur une aussi longue distance car leurs pattes avant sont trop courtes, ils se font trop mal au cou et devaient donc faire le trajet par la route.

Tout l’art du passeur consistait également à anticiper les forts courants du centre de l’aber benoit en utilisant les contre-courants de bordures afin d’arriver au plus près des cales.

Durant l’occupation allemande les traversées étaient comme par hasard toujours longues,   difficiles et pleines d’imprévus et plusieurs fois mon grand-père a été tiré de son lit la nuit avec un pistolet sur la tempe afin de passer quelques officiers impatients et mécontents des caractères abrupts des bretons locaux.

Au milieu de la guerre à son retour depuis la zone libre, c’est François SALIOU qui a pris la place de son père durant quelques temps avant de trouver un autre emploi. On sentait déjà que c’était presque la fin des passeurs de l’aber-Benoît avec l’amélioration des routes et autres moyens de transports.

Mais peut-être qu’un jour nous reviendrons à ces modes de déplacements moins coûteux et très écologiques : gardons les dans un coin de notre mémoire collective, de notre culture..

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(Retranscrit suite aux indications de mon père Pierre SALIOU en 2009)